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Santé Tai Chi

La maîtrise du souffle

La notion de « souffle » en tai chi incarne une place importante dans la pratique. A tel point que l’on assimile parfois le « qi » au « souffle primordial ». Aujourd’hui, je vous parle du livre « La maîtrise du souffle » de Yvan Cam.

C’est un visiteur du blog qui m’a recommandé ce livre et sa lecture m’a semblé parfaite pour ajouter un article à ce blog. La respiration est un sujet déjà abordé sur ce blog. Que nous apporte-t-on donc la lecture de ce livre comme information ?

Présentation du livre

Ce livre présente le parcours et les interrogations d’Yvan Cam au sujet de la respiration. J’ai apprécié le fait qu’on chemine avec lui dans ses découvertes. De nombreuses personnes se retrouveront dans les questions qu’il se pose. J’ai aussi trouvé assez rafraîchissant que l’auteur ne vient pas imposer son savoir, mais écrit plutôt sur un mode « je partage mes découvertes ». Au défaut, parfois, d’introduire des sujets sans toujours aller au bout des choses.

Voici les points intéressants que j’ai retenu du livre.

L’apport du Systema

Probablement le chapitre qui m’a le plus marqué est celui consacré à Vladimir Vasiliev. Ce chapitre explique que la respiration doit rester en place malgré des contraintes physiques ou/et psychologiques extérieures (et donc éviter de bloquer la respiration, rester en apnée…). Une logique que l’on retrouve également en tai chi, puisque l’exécution de la forme (la contrainte physique) ne doit pas venir perturber notre état interne (incluant, notamment, notre respiration, mais plus généralement, notre intention).

« Marchez tranquillement en inspirant
sur un pas et en expirant
sur un pas, continuez comme cela jusqu’à
inspirer pendant dix pas et expirer
pendant dix pas. »

Un exercice de Systema décrit dans La maîtrise du souffle, p. 38

L’auteur explique que derrière cet exercice simple, on se rend compte qu’au delà des premiers pas, il n’est pas si facile de respirer régulièrement. Et que cela empire si l’on ajoute des contraintes supplémentaires (par exemple, en se faisant pousser). J’aime beaucoup le fait d’ajouter des « éléments perturbateurs » externes, un élément que l’on ne découvre en tai chi qu’au travers la pratique avec partenaire. Tant que l’on pratique seul sa forme, c’est assez « facile » (toute proportion gardée) de ne pas être troublé. L’affaire est autrement différente quand quelqu’un vient nous pousser à différents endroits en faisant notre forme (un exercice que je recommande fortement. Même pas besoin d’être poussé fort, la simple perturbation d’un élément extérieur est déjà généralement bien assez difficile).

Plus loin dans le livre, l’auteur explique qu’un autre professeur de systema lui avait proposé d’exercer sa respiration en faisant un squat lent. L’idée reste la même. L’idée d’observer la respiration dans un squat est aussi intéressant car c’est partiellement ce que l’on va travailler dans les postures statiques.

Tension et respiration

De manière générale, le livre parle bien du fait que notre respiration permet de prendre conscience de tensions internes dans notre corps. Et que c’est d’autant plus flagrant que l’on essaie de respirer correctement lors d’exercices exigeants.

Bien souvent, nos tensions (psychologiques, posturales…) restent inconscientes: notre cerveau fait un excellent travail pour ne pas nous importuner avec… avec le gros désavantage que nous allons finalement « intégrer » ces contraintes/tensions dans notre posture.

Le travail en conscience permet donc d’observer notre respiration et libérer les tensions. Généralement, je n’aime pas les pratiques de respiration « forcées » : à vous de voir si cela vous convient, mais je trouve généralement que la respiration gagne à rester « naturelle ». Si certaines personnes vantent tant et plus des méthodes plus contrôlées de respiration, j’ai aussi malheureusement constaté que pour certaines personnes, cela pouvait avoir un effet assez néfaste (augmentation des tensions, …). C’est par exemple un des risques en travaillant la cohérence cardiaque, un sujet déjà abordé ici également et dont le livre parle un peu également. Pour ma part, j’ai parfois l’impression que le plus gros bénéfice de la cohérence cardiaque est de simplement prendre le temps d’observer la respiration.

Wim Hof et la respiration

Il est fort à parier que vous ayiez entendu parler de Wim Hof. Un paragraphe résume bien la place de la respiration dans cette méthode:

La technique respiratoire centrale de cette méthode est une série entre 30 et 40 hyperventilations suivie d’une apnée poumons vides puis d’une apnée poumons pleins entre 15 et 30 secondes. Tout un tas de variantes existe sur le nombre de cycles, de comptes, de temps d’apnée mais fondamentalement, l’effet est toujours le même. En hyperventilant, le corps se retrouve en hypoxie par diminution de l’effet Bohr bien que l’oxémie ne varie pas ou varie à la marge. Cette phase provoque alors une forte activation de l’orthosympathique. Pendant la phase d’apnée vide, le corps met en place tous les systèmes d’adaptation à l’hypoxie avec l’apparition d’une hypoxémie importante. Enfin, le retour de l’oxygène le remet au calme mais avec une apnée pleine qui va maintenir le système légèrement en alerte.

Yvan Cam, La maîtrise du souffle, p. 86

Comme je le disais plus haut, pour ma part, pas un grand grand fan d’hyperventiler volontairement. Cela ne me semble ni naturel, ni spontané (bref, pas très taoïste si on y réfléchit) et relève plus du « hack » respiratoire, mais je peux comprendre qu’on y trouve son bonheur malgré tout. L’auteur décrit d’ailleurs que cette pratique n’a pas eu que des bénéfices pour lui : « Il était probable que ma pratique intensive de la méthode Wim Hof n’avait pas aidé puisque ces respirations favorisaient ce type de tensions [au niveau du sternum] à cause du rythme de la respiration et de la mécanique de l’inspiration qu’elle impose. »

Respiration et émotions

Ah… « gérer ses émotions ». La phrase qui ne manque jamais de me faire réagir. De manière générale, je n’aime pas l’idée de « lutte » que « gérer ses émotions » semble impliquer, du moins de la façon dont la plupart des personnes comprennent cette phrase. Pourtant, respiration et émotion semble fortement lié : par exemple, des tensions au niveau du torse/diaphragme peut être lié à des sensations oppressantes et donc anxiogènes. De même, un état de stress peut réduire à une respiration plus rapide, et donc plus taxante pour le système nerveux autonome.

La fin du livre est justement consacrée aux émotions.

Les arts martiaux ont ceci d’intéressant que l’opposition fait vite tomber les masques et que les réactions manifestées sous stress montrent réellement les comportements qui sont ancrés chez la personne.

Yvan Cam, La maîtrise du souffle, p. 140

C’est un des intérêts majeur pour moi de la poussée des mains, qui permet de révéler toutes sortes de réactions (physiques, psychologiques) que l’on peut avoir lorsqu’une contrainte externe nous est appliquée, et c’est également ce que semble penser l’auteur.

Intéressant également de voir comment l’auteur fait le lien entre respiration, tensions émotionnelles et fascias:

Tout d’abord, de façon étonnante, le diaphragme est un point central en termes d’insertion de fascia. En effet, l’ensemble des fascias du tronc ont un lien mécanique direct avec le diaphragme (Bordoni and Zanier 2013). Mais cela va plus loin. Les fascias au niveau du diaphragme se lient avec ceux du psoas iliaque, créant une liaison avec les membres inférieurs. Ainsi, lorsque le diaphragme se contracte, c’est l’ensemble de ces tissus qui vont se mettre en mouvement. Le corollaire est que si ces tissus sont contractés, la mobilité du diaphragme va être impactée, ce qui est observé en cas de stress.

Yvan Cam, La maîtrise du souffle, p. 146

Le mouvement reste donc une excellente source pour « évacuer » ces tensions résiduelles. Souvent, les émotions sont « localisées » dans le corps et identifiables facilement. Mobiliser ces parties du corps peut donc aider face à des tensions qui restent ancrées.


Et voilà pour mon compte rendu de ce livre. De manière générale, une lecture agréable et informative, quoique parfois un peu trop superficielle à mon goût. Les avis entre 4 et 5 étoiles sur les sites internet semblent indiquer que d’autres lecteurs trouvent ce livre très intéressant également. Je n’en ferais peut-être pas un livre de référence dans ma bibliothèque, mais c’est en tout cas une excellente façon d’explorer de nombreuses thématiques liées à la respiration.

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