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Santé Tai Chi

Mieux comprendre la respiration en tai chi

Pour mieux comprendre la respiration, quoi de mieux que de se pencher sur son fonctionnement. Cela nous permet d’explorer les possibilités de notre corps et d’en ressortir avec une meilleure connaissance de nous même. Reste à voir qu’est-ce qui est intéressant après pour notre pratique et quel rôle joue la respiration en tai chi.

Dans mon article précédent, je vous parlais déjà de comment respirer en tai chi. Récemment j’ai eu le plaisir de lire « Respiration, anatomie, geste respiratoire » de Blandine Calais-Germain. Comme tous les livres de Blandine Calais-Germain (les deux livres d’Anatomie pour le mouvement sont géniaux également!), c’est une vraie mine d’or. Je vous livre dans cet article ce que j’ai trouvé intéressant à savoir pour la pratique du tai chi.

Blandine Calais-germain - respiration
A lire sans hésiter!

Le geste respiratoire

Vous l’aurez sans doute déjà remarqué, mais le geste respiratoire ne sert pas toujours simplement à servir les besoins en oxygène de notre corps. Il peut servir ou se produire dans d’autres circonstances : pour accompagner un effort, chanter, se détendre … Le geste respiratoire peut également se produire sans passage d’air et produire des effets de pression entre le thorax et l’abdomen (c’est typiquement le cas pour la fausse inspiration thoracique).

La respiration ne suit pas toujours nos mouvements. Il n’y a pas d’association « stricte » même si la respiration peut faciliter certains gestes (et réciproquement, certains gestes peuvent faciliter la respiration). Il est important de remarquer qu’habituellement:

  • On inspire avec un mouvement inspiratoire en ouvrant la cage thoracique et/ou en abaissant le diaphragme
  • On expire en abaissant la cage thoracique et/ou en remontant le diaphragme

Il y a donc deux grands « types » de respiration :

  • La respiration thoracique: les côtes s’ouvrent, se soulèvent ou se ferment, s’abaissent
  • La respiration abdominale: l’abdomen se bombe ou se rentre

Ces deux types peuvent se mixer, se combiner de différentes manières (la respiration est rarement « juste » abdominale ou « juste » thoracique). C’est d’ailleurs dommage de se limiter à l’une ou l’autre, l’important c’est de savoir mobiliser la respiration de manière adéquate selon la situation.

Respiration paradoxale

Une façon de respirer qui est souvent considérée comme plus avancée est qualifiée de paradoxale (ou parfois « taoïste » dans certaines écoles). Dans cette façon de respirer, on garde le diaphragme abaissé ou les côtes ouvertes lors d’une expiration. Dans ce cas, les muscles inspirateurs continuent à se contracter pendant l’expiration.

Cette respiration est donc nettement plus tonique et moins relaxante. A nouveau, elle n’est pas « mieux » ou « moins bien » que la respiration abdominale « naturelle » : c’est à utiliser selon l’objectif de votre pratique. Je compte détailler ce point dans un article futur alors je ne m’étends pas là dessus…

Le volume respiratoire

Lorsque nous respirons quotidiennement, nous respirons dans notre volume « courant ». A l’expiration, il reste de l’air dans les poumons. Lorsque nous inspirons, nous n’inspirons pas à notre pleine capacité (ce qui demanderait une action supplémentaire des muscles inspirateurs). Lorsque nous expirons ou inspirons plus que ce volume courant, nous allons dans le volume dit « de réserve », et cela peut produire des effets intéressants ! Mais gare à la surventilation.

Un effet intéressant à observer avec ces volumes, c’est la respiration à forces inversées. Si vous expirez profondément (soit en abaissant les côtes, soit en refoulant l’abdomen vers le haut), l’inspiration qui suit est passive et se produit de manière “réflexe”. “Laissez-vous inspirer, soufflez avec insistance”.

L’apnée

En lisant l’ouvrage de Blandine Calais-Germain, j’ai pris conscience d’une dimension intéressante de l’apnée après expiration dans le volume courant. C’est un état d’équilibre (= les forces s’annulent) entre l’élastique pulmonaire et les muscles inspirateurs qui sont relâchés.

C’est donc un instant de relaxation en immobilité parfaite qui est très intéressant à observer. C’est très différent de « s’empêcher de respirer » (ce qui serait plutôt stressant!), cela doit se produire sans contraintes.

A l’inverse, une apnée sur l’inspir est tonique, très différente de celle qui suit l’expir.

Tant de façons d’inspirer ou expirer

Parmi les deux grands « types » de respiration, il y a donc de nombreuses variations que le livre de Blandine Calais-Germain explore en détail. Pour vous donner une idée, voici la liste des inspirations costales possibles:

  • Inspirer “sous la clavicule” avec le petit pectoral (très pratique d’ailleurs pour détendre ce petit pectoral souvent sollicité à tort en poussée des mains)
  • Inspirer “en ouvrant la poitrine en avant” avec le grand pectoral
  • Inspirer “en ouvrant les côtes sous les bras” avec le grand dentelé
  • Inspirer “en creusant la région dorsale” avec les muscles dorsaux
  • Inspirer “en ouvrant les côtes en arrière” avec les surcostaux
  • Inspirer “en haut, en arrière” avec les petits dentelés postérieurs et supérieurs
  • Inspirer “en haut, en avant” avec le sterno-cléido-mastoïdien
  • Inspirer “en haut, plus latéralement” avec les scalènes

Waw ? Arriver à cette finesse de perception permet d’avoir une expérience très riche de la respiration. Aborder toutes les possibilités déborderait largement le cadre de cet article, franchement si cela vous intéresse, lisez le livre 😉

La respiration complète

Je vous le disais déjà dans mon article précédent, je n’aime pas trop dire qu’il faut avoir une respiration « abdominale » car cela donne l’idée que l’on ne respire « que » dans l’abdomen. Or, vous l’aurez compris, la respiration thoracique est très intéressante également !

C’est pourquoi il est intéressant de prendre conscience d’un cycle respiratoire complet qui se fait sur 3 niveaux dans le corps:

  • Niveau 1 : inspiration diaphragmatique de mécanisme 1 (avec abaissement du centre phrénique du diaphragme), expiration abdominale et basse + utilisation du plancher pelvien
  • Niveau 2 : inspiration diaphragmatique de mécanisme 2 (sans abaissement du centre phrénique du diaphragme), expiration costale
  • Niveau 3 : inspiration costale haute, expiration faite par la pesanteur qui fait retomber les côtes et le sternum, qui ferme l’avant

Si vous ne savez pas ce que c’est le centre phrénique, c’est simplement le tissu non musculaire au milieu du diaphragme. Pour faire simple, la distinction entre mécanisme 1 et 2 distingue le fait d’abaisser le diaphragme ou pas lorsque vous le mobilisez.

On peut travailler chaque niveau séparément mais aussi sur un seul cycle où l’on enchaîne les niveaux sur la totalité du tronc.

Concrètement dans la forme, vous n’allez pas toujours avoir recours à ce cycle complet, mais s’autoriser à laisser la respiration se produire là où elle doit se produire offre une grande liberté dans la pratique.

Respiration et gravité

Pour conclure cet article, j’aimerais aussi vous inviter à observer l’effet de la gravité sur la respiration dans votre pratique. En effet, la gravité est une force clé avec laquelle nous travaillons beaucoup en tai chi. Cette gravité, vous luttez contre, mais parfois vous l’accompagnez.

Inspirer et expirer pénètre et vivifie, influençant chaque partie de votre corps. Inspirer, c’est contracter et stocker. L’expiration est l’expansion et le relâchement. Puisqu’avec l’inspiration il y a une montée naturelle, faites monter l’adversaire. Puisqu’avec l’expiration, il y a une descente naturelle, renvoyez l’adversaire. C’est l’utilisation de l’intention pour déplacer l’énergie, et non l’utilisation de l’effort pour forcer l’énergie.

Les classiques du tai chi

Par exemple, une inspiration thoracique peut faire remonter (légèrement ! on ne « bombe » pas le torse) le sternum. Et si vous laissiez la gravité le faire redescendre ? Et votre diaphragme ? A l’inspiration, il descend, dans le même sens que la gravité. A l’expiration, pour remonter, il « lutte » donc contre la gravité. De même, comme le disent les classiques, à l’inspiration, la pression interne augmente tandis qu’à l’expiration, il y a relâchement.

Observez cela dans votre pratique, et je suis sûr que cela vous permettra d’améliorer le lien « corps-esprit » développé dans le tai chi.

Vous vous posez des questions sur la respiration en tai chi? Cet article vous a intrigué ou va a été utile ? N’hésitez pas à me laisser un commentaire ! Si je vois de l’intérêt je prépare une vidéo explicative sur certains de ces aspects !

8 réponses sur « Mieux comprendre la respiration en tai chi »

Je viens de découvrir votre article particulièrement passionnant. Je pratique le trail le QiGong et le Taiqi ….. je suis praticienne en médecine chinoise …..,autant dire que la respiration est une préoccupation permanente pour aller plus loin dans chacune de ces disciplines. Des vidéos…. oh ouiiiiiiiiiii…. merci d’avance.

Merci Marie-Laure! j’ai plusieurs projets de vidéos dans les cartons (dont notamment la mise à jour de ma formation en ligne sur laquelle je cogite beaucoup pour l’instant), et la respiration sera certainement au menu des futures vidéos ! n’hésite pas à t’abonner à ma chaîne youtube pour ne pas la manquer 😉

Bonjour! On respire par le nez. Dans certains scénarios spécifiques, il est parfois plus facile d’expirer par la bouche si on veut expirer un gros volume d’air d’un seul coup. Mais pour une pratique « classique » c’est la respiration par le nez qui est favorisée.

Bonjour, « la respiration » !!! « on n n parle pas en Taichi » combien de fois ai je entendu cette phrase, voir cet ordre.. Pourtant, si nous voulons travailler le circulation energetique, avons nous le choix ? so nous voulons detendre les muscles, les tendons, avons nous le choix ? si nous voulons manifester le fajin, avons nous le choix ? si nous voulons que notre respiration soit douce et naturelle avons nous le choix ? et bien non. La respiration est un vehicule, un moyen pour travailler l interne. A defaut, nous ne faisons que de la gymnastique et non un Art Martial.. à mon sens !

Bonjour Bernard,

Comme souvent, les recommendations classiques du type « pas besoin de se soucier de la respiration » peuvent avoir du sens pour peu que l’on comprenne leur raison d’être. Beaucoup de personnes se focalisent trop sur la respiration et perdent le naturel. Ou bien se mettent des associations strictes (j’inspire sur tel mouvement, puis j’expire), ce qui est artificiel et, en pratique, inutilisable dans l’aspect martial ou la respiration va suivre spontanément l’action.

Paradoxalement, le fait de ne pas se soucier de la respiration va malheureusement escamoter toute une prise de conscience corporelle. A mon sens, l’observation de la respiration, à elle seule, est déjà très riche.

C’est toujours un peu le paradoxe n’est-ce pas ? Obtenir un mouvement « naturel », en conscience, mais sans contrôle excessif.

En pratique ceci dit, je trouve que dans la forme, en tant que tel, ce n’est pas du tout le meilleur endroit pour travailler la respiration. Il vaut mieux le faire lors d’exercices dédiés et laisser venir naturellement dans la forme le reste du temps.

Bonjour Thomas, Oui, je suis tout à fait d’accord avec vous lorsque vous dites que le mot juste concernant la respiration au Taïchi Chuan est « paradoxe ». En effet … mais comment apprendre la respiration, la comprendre, sans l’inclure dans la pratique ? Comment une respiration peut être naturelle, si elle n’est pas initialement travaillée ? Pourquoi penser que les pratiquants vont se polariser dessus ? n’est ce pas plutôt là un manque dans l’approche pédagogique pour former les pratiquants ? Laisser le pratiquant découvrir seul les mécanismes respiration/mouvement relève de « la non assistance à personne en danger » (rires !!!) Pourquoi ne pas y aller doucement, comme pour l’apprentissage des mouvements de la forme ? Pourquoi se focaliser sur le geste alors que l’Art Martial est bien plus que cela .. la respiration en est un des composants qui, avec la pratique, permet d’accéder à la connaissance qui permettra d’appréhender l’Art Martial dans son essence… Je pense que ce « débat » est trop souvent marqué par des clichés qui, malheureusement enlève à la pratique son sens, pour ne pas dire sa substantifique moëlle. Mais bon, même après plus de 40 ans de pratiques martiales, je reste un cherchant … qui n’a aucune réponse mais plutôt des pistes d’apprentissage ! Bonne pratique … il n’y a que cela de vrai !

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