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Tai Chi

Les différentes versions du San Shou

Le San Shou, traduit littéralement « dispersion des mains » mais plus couramment appelée forme avec partenaire est une séquence de 88 mouvements dans le style Yang du Tai Chi Chuan. Cette forme martiale est souvent considérée comme une référence pour approfondir le travail avec partenaire et mieux appréhender les applications martiales de la forme.

Une forme, mais plusieurs versions

La forme parle de 88 mouvements, mais en réalité il sera plus approprié de parler de « 44 paires » de mouvements, puisque chaque mouvement implique une réaction du partenaire. Il est peut-être important de rappeler à ce stade que la numérotation des formes est souvent un peu arbitraire, et je ne serais pas étonné qu’on ait choisi d’indiquer 88 mouvements, simplement parce qu’il y a deux « 8 » et que ce chiffre est très favorable pour les chinois.

Il existe bien évidemment des listes de ces mouvements, mais comme souvent, elles ne sont pas toutes les mêmes. Il y a deux versions principales: celle publiée par chen yanlin et la version que je vais qualifier de « traditionnelle » mais dont je ne connais pas l’origine exacte, qui est par exemple utilisée par Yang Jwing Ming et la plupart des maîtres du style yang traditionnel.

Afin de pouvoir comparer différentes formes, j’ai fait un tableau qui reprend les différents noms. Si parfois la séquence est la même, il y a des parties où les mouvements peuvent varier un peu (un coup de coude qui devient un coup d’épaule, un coup de poing qui devient une frappe de la paume…) ou beaucoup, avec plusieurs mouvements dont les noms n’ont plus rien à voir. Cette diversité n’a rien d’étonnant vu le mode de transmission oral du tai chi qui très souvent engendre des changements à chaque génération de pratiquant.

Si mon petit travail vous intéresse, vous pouvez télécharger ici la liste comparative.

Des différences mais aussi des points communs

Si la liste (et les pratiques) de la forme peuvent varier, allant du petit changement (un coup de coude qui devient un coup d’épaule, un poing qui devient une frappe de la paume) au changement plus conséquent (mouvements ignorés, ajout/suppression de séquences, inversion des rôles de A et B…), il y a néanmoins certains éléments qui semblent faire consensus dans la pratique des formes. Pour établir cette comparaison, je me suis basé sur le san shou que j’ai appris, mais aussi celui transmis plus globalement au sein de l’école de Chu Gin Soon / Vincent Chu, mais aussi d’autres sources, comme Yang Jwing Ming, Michael Gilman (dont la cohérence de la liste avec ses mouvements m’a d’ailleurs impressionné), Thierry Allibert ou même certaines écoles chinoises (wu an).

Voici généralement le déroulé que l’on retrouve:

  • Le début fait généralement consensus : on commence avec un coup de poing, qui est intercepté, puis des mouvements de frapper le tigre (soit dans le dos, soit de face) et des coups de coude/épaule.
  • A partir du mouvement 13, les choses deviennent généralement plus floues. On y retrouve néanmoins généralement un (ou deux) coups de talon, des applications du da lu (grand tirer), ainsi que le double vent frappe les oreilles (mouvement 31), systématiquement géré par un double poussé (ça fait plaisir de voir que tout le monde est au moins d’accord sur une application…).
  • S’en suit une nouvelle séquence fort inspirée du da lu, avec des tirer, des mouvements où l’on suit le partenaire. Plusieurs coups d’épaule également. Et, le très iconique vol oblique qui n’est pas toujours exprimé très clairement. De manière générale les « vol oblique/saisir la queue de l’oiseau/séparer la crinière du cheval » sont utilisés de manière assez interchangeable, n’étant qu’une expression de lie (et peng).
  • Nous revenons ensuite sur une séquence qui fait consensus: les deux coups de pieds à droite et à gauche (mouvements 56 et 58), comme dans la deuxième section, gérés par le partenaire au moyen de brosser le genou, suivi de près par saisir la queue de l’oiseau, géré par le partenaire au moyen des mains nuages.
  • La suite redevient assez variable, avec comme point commun principal balayer le lotus (mouvement 68). Cette séquence de coups de pied peut être plus au moins acrobatique selon la situation. Elle est censée se terminer avec un serpent qui rampe (fun fact: au moins ici, dans le texte chinois, il y a vraiment un serpent, alors que dans la forme longue, c’est souvent simplement un fouet accroupi); celui-ci consiste bien souvent à simplement tirer le bras de l’adversaire.
  • La séquence suivante redevient assez commune : s’en suit une série d’attaques gérées en reculant au moyen du mouvement repousser le singe. Vient ensuite une attaque (mouvement 79) défendue au moyen d’avancer jusqu’aux sept étoiles (mouvement 80 qui consiste à croiser les poignets en formant un poing), mouvement qui est systématiquement rabaissé vers le sol grâce à l’aiguille au fond de la mer.
  • Et malheureusement, la fin n’est pas aussi claire à partir du mouvement 83. J’ai constaté pas mal de variante, même si généralement le mouvement 82 (l’éventail dans le dos) et le mouvement 84 (bander l’arc et tirer sur le tigre) sont utilisés de manière relativement interchangeable en tirant le bras de l’adversaire, ouvrant son flanc et porter une attaque et/ou simplement pousser l’épaule. Les deux derniers mouvements sont aussi souvent sujets à interprétation. Cela peut être A ou B qui termine la forme, et l’interprétation de « Croiser les mains » (mouvement 87) et « Embrasser le tigre » (mouvement 88) n’est pas toujours très claire, même si tout le monde semble bien d’accord sur l’idée qu’à la fin, on saisit les coudes, les abaisse (et renvoie, ou pas, le partenaire en arrière).

L’avantage d’une forme avec partenaire

Pratiquer avec un partenaire offre de nombreuses opportunités pour améliorer notre pratique. La forme avec partenaire permet d’apprendre à gérer la distance avec le partenaire et met l’accent sur les 5 pas: s’écarter sur le côté, poursuivre, reculer… tout cela prend beaucoup plus de sens qu’en pratique individuelle.

L’utilité du san shou

La plupart des personnes pratiquent le tai chi pour leur santé. Du coup, il peut sembler inutile, voire effrayant, d’apprendre des applications martiales. Mais en réalité, la forme avec partenaire peut être pratiquée lentement, avec les mêmes principes que dans la forme longue. Cette pratique permet d’approfondir votre compréhension de votre propre forme individuelle.

Et bien entendu, pour les plus enthousiastes, cette forme peut être pratiquée plus rapidement, avec un accent plus prononcé sur les fa jin (l’expression de la force) et les qi na (les manipulations d’articulation).

Quoi qu’il en soit j’espère que cet article vous aura aidé à vous intéresser de plus près à cette forme avec partenaire qui est vraiment très intéressante.

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