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Tai Chi

Saisir la queue de l’oiseau – 揽雀尾 – Lǎn què wěi

Déjà abordé sur ce blog, saisir la queue de l’oiseau est la séquence qui ouvre la forme. Ses applications sont parfois mal comprises et c’est donc avec plaisir que je vais vous en parler dans cet article.

Après le simple fouet, le brosser du genou, repousser du singe, avancer, parer et donner un coup de poing… abordons à présent saisir la queue de l’oiseau.

Un petit mot d’introduction

Avant de rentrer dans le vif du sujet, deux remarques importantes :

  • Il faut garder à l’esprit en analysant le sens martial des postures de tai chi que celles-ci existent dans un contexte historique particulier. Cela veut dire qu’il existait à l’époque une « certaine façon » de se battre qui ne correspond pas nécessairement à ce qui se ferait aujourd’hui. C’est à nouveau une mise en garde sur l’utilisation « stricte » du mouvement comme dans la forme. Bien souvent, il faudra adapter les postures pour qu’elles soient pertinentes face à des techniques de combats variées.
  • Arrêtons-nous un instant aussi sur le nom du mouvement. Abordée plus en détail dans ce podcast, l’idée derrière le nom implique l’interception (« saisir ») d’une force (typiquement le bras). L’image de la queue de l’oiseau (a priori, plutôt un grand oiseau, comme un paon, même si on traduit fréquemment par moineau, hirondelle) soutient l’idée d’une force rapide et mobile que l’on arrive à contrôler néanmoins grâce à la technique.

Dans le tai chi chuan

Remercions à nouveau Guan Nan Wang pour sa vidéo pleine de bon sens sur le sujet.

Grasping Sparrow's Tail DeconstructedGrasping Sparrow’s Tail Deconstructed

On y retrouve les mises en garde habituelles : gare aux mouvements trop compliqués ou qui supposent un adversaire aussi réactif qu’un mannequin en bois. Ceci implique notamment que toute technique visant à faire une clé de bras ne doit pas ignorer l’autre bras de l’adversaire ni le fait qu’il ne va probablement pas rester passif.

J’ai vraiment apprécié son interprétation généraliste qui est en somme celle-ci :

  • La première partie (le double parer) consiste en un mouvement d’ouverture qui couvre le corps. C’est d’ailleurs typiquement avec un mouvement similaire que l’on démarre une séquence de poussée des mains.
    • C’est intéressant de noter que dans sa version, la main gauche est basse (en protection). Dans ma pratique, la main se situe plutôt derrière la main droite, mais elle reste potentiellement disponible pour défendre si besoin. Dans la forme, il y a toujours un choix entre exprimer ou garder un potentiel.
  • S’en suit deux options:
    • Soit vous prenez la branche du tirer/presser : votre bras en parer tire le bras adverse vers le bas et vous enchaînez avec un presser.
    • Soit vous prenez la branche du séparer/pousser: votre main gauche passe sous votre avant bras droit, vous séparez et poussez.

Dans le san shou

Mouvement 61 et 63 de la forme avec partenaire, saisir la queue de l’oiseau, exécuté par A, est contré par les mains nuages exécutées par B. Voyons ça !

61. A, lorsque vous avez été cueilli, mais avant d’être heurté, votre main droite accompagne l’élan de rotation à gauche de vos hanches en allant vers la gauche et l’arrière, en enroulant un cercle qui neutralise l’attaque de B et en cueillant le poignet droit de B. En même temps, vous retirez votre pied droit, puis vous avancez votre pied gauche (en le plaçant derrière la jambe droite de B), votre bras gauche partant de sous l’aisselle droite de B, se prolongeant jusqu’en face de la poitrine de B, et suivant l’élan, va vers la gauche et l’avant pour parer l’attaque vers l’extérieur.

62. B, ayant été repoussé, profite de l’élan en creusant la poitrine et en arrondissant le dos, en tournant la taille vers la droite et en s’enfonçant avec les jambes, la main droite restant sournoisement sur le poignet droit de A, l’attirant et le soulevant vers la droite et l’arrière. Une fois que l’élan de A s’est inversé, votre main droite pousse le poignet droit de A et votre main gauche pousse en même temps son épaule droite.

63. A, ayant été poussé, profite de l’élan et tourne ses hanches vers l’arrière, vrillant sur place, pour neutraliser. En même temps, votre main gauche passe sous votre bras droit pour saisir et tenir le poignet gauche de B, retirant votre pied gauche, puis faisant un pas en avant avec votre pied droit, votre bras droit passant sous l’aisselle gauche de B pour s’étendre jusque devant la poitrine de B, et suivant l’élan, aller vers la droite et vers l’avant pour parer à l’attaque vers l’extérieur.

(notez que la 3ème image est inversée, regardez bien les couleurs des personnages)

Je ne vais pas m’étendre sur l’utilisation des mains nuages, que l’on abordera certainement un jour pour me concentrer ici sur saisir la queue de l’oiseau. On voit que l’interprétation privilégiée dans le san shou est l’attaque en passant sous l’aisselle après un contrôle du poignet. Dans le premier cas, le mouvement se fait par l’extérieur, afin de rester hors de portée de la main gauche de l’adverse (une approche assurément plus sûre). Notons également le déplacement des pieds qui n’est pas anodin puisqu’il peut venir servir à déstabiliser l’ancrage de l’adversaire ou même vous repositionner à l’extérieur si besoin grâce à un pas glissé sur le côté. Dans le deuxième mouvement, c’est en croisant les bras et en inversant le pas que l’on exécute le mouvement. Cette inversion de pas ne se retrouve pas telle quelle dans la forme (mais c’est ce qu’on fait typiquement lors d’un drill pour travailler le mouvement de manière symétrique à gauche et à droite). Le fait de croiser les bras nous rappelle la préparation du pousser.

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