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Tai Chi

9 erreurs dans la pratique du tai chi de style Yang

J’ai découvert récemment le podcast de Damo Mitchell (vidéo en fin d’article). Dans son dernier épisode, il parle de 9 erreurs qui se font couramment en tai chi de style yang… et il se trouve que je suis plutôt d’accord avec lui ! La vidéo est plutôt longue (54 min), je vous en livre un petit résumé revisité à ma façon.

Je ne connais pas Damo Mitchell ni son style de pratique. Il a publié plusieurs livres, mais de ce que j’ai pu en parcourir, ils sont très orientés « alchimie taoïste » et bon… ils ont l’air d’être remplis de beaucoup de mots pour ne pas dire grand chose au final, mais c’est peut-être juste une fausse impression. Toujours est-il que son podcast sur le tai chi était intéressant, alors voici les fameuses 9 erreurs à ne pas commettre!

Pousser dans le sol

Cela pourrait sembler logique pourtant! On veut avancer, pour ça, on pousse dans le pied, cela propulse le bassin vers l’avant… C’est comme ça que fonctionne la plupart des arts martiaux et ça fonctionne très bien, d’ailleurs.

Et pourtant, en tai chi (du style Yang), nous allons faire autrement. En effet, si vous poussez avec la jambe arrière, l’action musculaire va empêcher d’entraîner l’utilisation de l’énergie interne. Au lieu de cela, nous allons « tirer » avec la jambe vide (= sans le poids). Je mets des guillemets car cette action de « tirer » n’est pas, à nouveau, musclée et active! Autrement dit, on va surtout « ne pas pousser », et tirer est une bonne première approximation.

Alors, initialement, ce n’est vraiment pas intuitif et on peut avoir du mal à sentir ce fonctionnement. Certains essayent alors de compresser en travaillant plus bas. A nouveau, cela pourrait sembler logique (plus de compression = plus de tension) mais ce n’est pas nécessairement vrai car cela va avoir tendance à mobiliser à nouveau les muscles: soit vous utilisez votre squelette et les muscles attachés, soit vous utilisez les tissus souples du corps (à mon avis, c’est un peu réducteur mais l’image est assez parlante!).

Si les tissus ne sont pas connectés, cela ne marche pas ! C’est comme des dominos qui sont trop loin les uns des autres : seul le premier va bouger. Comment les connecter? Par le relâchement.

Au bout du compte, l’idée c’est de compresser et ensuite relâcher cette compression afin que l’effet extenseur qui suit permette le mouvement (qui peut ensuite être contrôlé par la taille et exprimé au niveau des mains, comme le disent si bien les classiques).

S’effondrer au lieu de se relâcher

Quand vous vous relâchez, le squelette doit rester en place. Mais il n’est pas maintenu au moyen par la tension physique, mais par votre structure et votre intention.

Si le squelette bouge lorsque vous vous relâchez, la posture s’effondre. De plus, il n’y a pas d’étirement interne lié au relâchement car les muscles suivent le squelette, au lieu de s’en éloigner. Il faut avoir l’image “d’ouvrir” le corps, que l’espace entre les os augmente.

Je ne m’étends pas là dessus, j’en parle déjà dans mon article sur le Sung.

Croire que l’âge n’a pas d’importance

Lorsque l’on est jeune, on peut se permettre des postures plus larges, plus grandes, plus étirées. Lorsque l’on devient plus âgé, le corps change. La forme peut devenir plus petite. Il vaut alors mieux travailler sur la subtilité et la justesse du mouvement.

Je trouve ce point particulièrement intéressant. Beaucoup de maître sont âgés. Peut-être qu’ils ne pratiquent plus la forme comme ils le feraient s’ils étaient jeunes. Vouloir les copier sans tenir compte de cette différence n’est peut-être pas nécessairement malin ! De manière générale, il faut s’adapter selon nos spécificités: l’âge, bien sûr, mais aussi notre niveau actuel (faire une forme trop basse si on est pas entraîné? mauvaise idée!), etc.

Faire des cercles avec le corps

Certaines personnes pensent qu’il faut « arrondir » le corps, faire des cercles, comme si on pouvait « courber » les os. Il faut respecter la structure du corps. C’est l’énergie qui est circulaire, le corps lui est « carré », constitué de segments. Ce sont les tissus qui se développent autour des os de manière circulaire.

Il faut donc faire attention à ne pas compromettre la biomécanique de sa structure en voulant suivre une idée « d’arrondir » le corps. Si on prend l’exemple des bras, le corps s’articule de manière angulaire autour du coude, il n’est pas possible de faire un « cercle » avec le bras. Il y a aussi pas mal de confusion au niveau de ce qu’il faut faire au niveau du tronc (par exemple « creuser » la poitrine).

Négliger les postures statiques

Pour cultiver l’immobilité dans le mouvement, encore faut-il savoir rester immobile. Comme dit dans le premier point, sentir ce mélange de compression et relâchement est très difficile en mouvement au début. Heureusement, les postures statiques viennent à la rescousse: elles permettent de cultiver cette sensation sans avoir la difficulté de bouger et penser à la forme.

Attention à ne pas devenir plus tendu : cela peut donner l’impression d’être plus “fort”.

Confondre Fa Jing et Fa Li

Quand on parle de Fa Jing (l’expression de l’énergie) en tai chi, la majorité des personnes pensent à ça.

Chen Xiao Wang demonstrating FajinChen Xiao Wang demonstrating Fajin

En style Yang, le Fa Jing est invisible de l’extérieur. J’ai bien aimé l’explication de Damo Mitchell sur le fait que s’entraîner comme dans la vidéo ci-dessus n’est PAS une façon de faire des frappes mais bien un conditionnement des tendons pour “stopper” le mouvement.

Bon mais du coup ça ressemble à quoi ? Il y a pas mal de vidéos sur Youtube, je vous en mets une ici.

My Pushing Hands and Fa jinMy Pushing Hands and Fa jin

Croire que l’on utilise les méridiens

Forcément, beaucoup de personnes pensent que le tai chi fait appel au système des méridiens comme décrit dans la médecine chinoise. D’ailleurs on va parler de certains points (lao gong, ming men…) mais en réalité, quand on parle “d’ouvrir” un point, on parle en réalité de toutes la zone autour du point.

Et je pense que c’est important de faire cette précision. Bien sûr que bouger en tai chi va faire circuler votre énergie et va affecter vos méridiens. Mais ce n’est pas là dessus que l’on se concentre. L’action se situe au niveau de l’ensemble des tissus, pas juste un petit point précis.

Par exemple, quand on parle « d’ouvrir le lao gong », il s’agit bien d’ouvrir tous les tissus de la main. Créer de l’espace entre chaque articulation (et il n’y en a beaucoup dans la main!).

Surévaluer l’importance du tai chi

Avec les débats autour des origines du tai chi, les divergences d’opinions entre les écoles… certaines personnes peuvent se sentir investie d’une mission sacrée. D’avoir le « vrai » tai chi. Il suffit de voir le nombre de vidéos sur les personnes qui disent pratiquer « le vrai » tai chi de Yang Lu Chan.

Et je trouve particulièrement opportun de rappeler que au bout du compte : « c’est juste du tai chi« . Imaginez que l’on parle plutôt de pâte à pizza. Imaginez-vous des conflits autour de la « vraie » recette de la pâte à pizza? « Mais si, il faut X grammes de plus de farine ! », « Mais non, avec de la farine de riz ce n’est pas pareil! »… et de là, l’image dans votre tête de pizzaïolos qui se tapent dessus à grand coup de pelles à pizza. ?⚔️

Avoir des maîtres qui se croient au dessus de leurs élèves

Il y a un certain culte du secret en tai chi. « Si si, pratique comme ça pendant 10 ans et tu verras ». 10 ans et de nombreuses heures de pratique plus tard, non, vous ne voyez toujours pas. Les maîtres peuvent aussi avoir tendance à se présenter comme étant « les plus forts » (mais attention, toujours moins fort que leur maître à eux, il faut pas déconner… ). J’en parle d’ailleurs dans un autre article.

Nous vivons à présent à une époque où l’information circule librement et où il n’est plus nécessairement utile d’être « le plus fort ». Les qualités d’un maître doivent surtout se mesurer à son aptitude à transmettre un enseignement de qualité. Il doit aussi pouvoir nourrir des relations humaines et chaleureuses avec ses étudiants et avoir à cœur leur progrès. Et nourrir des relations authentiques est un facteur clé à ce niveau.

Voilà j’espère que vous avez apprécié ce petit résumé. Si vous souhaitez voir le podcast, ça se passe ici ?

9 Common Errors in Taiji9 Common Errors in Taiji

6 réponses sur « 9 erreurs dans la pratique du tai chi de style Yang »

Merci infiniment pour cet article. J’y ai retrouvé exactement tous les « defauts » qui m’ont fait quitter « mon maître » après 10 ans de pratique. C’est très rassurant quand à la validité de mes ressentis. Merci

Aïe ! Ce n’est pas toujours facile de trouver la personne qui nous convient et l’important c’est de pouvoir s’écouter. Après parfois il n’y a pas toujours l’embarras du choix là où l’on habite … De manière générale on peut déjà s’estimer heureux de la variété de l’offre qu’il y a… Une fois que l’on trouve quelqu’un avec qui progresser c’est déjà pas si mal 🙂

Très intéressant comme article.

Au bout de 13 ans de pratique, je n’avais jamais entendu parler de pousser dans le sol. J’ai appris que l’énergie (par toujours) vient du sol ou du bas en direction du haut, mais pas qu’il fallait pousser dans le sol.

Concernant le maître au-dessus de ses élèves. Il y a probablement un gros problème d’égo. C’est un peu partout dans notre société malheureusement.
Je suis assez d’accord avec vous. Le plus important est de créer un cadre d’enseignement avec des relations amicales et conviviales.

Merci pour cet article. J’ai visionné la vidéo de Damo Mitchell. Je trouve en effet certains points très intéressants. Par contre, je donne rarement mon opinion sur les personnes mais là, puisqu’il se permet lui -même de donner des conseils sur les bons ou moins bons professeurs, je me permets moi aussi de dire qu’il représente le type de personnes avec qui je ne souhaite absolument PAS apprendre le taichi! Son ironie déplacée en début de vidéo, sa vulgarité et sa façon d’imposer ses vues (tout en disant, of course, qu’il ne s’agit que de son opinion) me déplaisent beaucoup. Voilà, c’est dit! Pour moi, un bon professeur de taichi doit aussi incarner certaines valeurs comme la modestie, la bienveillance et la patience, par exemple…

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