Voici la suite des 10 principes de Yang Cheng Fu. Dans cet article, je vous parle des 3 principes de yang cheng fu suivants qui, avec les 2 premiers, finissent de couvrir les principes posturaux du tai chi. Les 5 derniers sont plus liés à la façon de se mouvoir, mais cela ce sera pour un prochain article 🙂
Troisième principe : sōng yāo -鬆腰
Relâcher la taille
Maîtriser le style Yang de Taiji Quan, p. 57
Tadaaa! Rien à redire sur cette traduction. Bon à côté de ça, ce n’était pas très compliqué:
- song (ou « sung » selon la translittération utilisée) : relâcher
- yao : la taille
Ce troisième principe suit assez logiquement les deux premiers : avec la tête soutenue par un fil invisible, votre dos étiré et votre poitrine contenue… nous passons logiquement à la « taille ». Et là, je me permets des guillemets car, en réalité, ça veut dire quoi relâcher « la taille » ? Cette partie du corps sert en réalité à relier votre bassin et votre tronc. « Lâcher » la taille réfère plus spécifiquement au bas du dos, à la colonne vertébrale. Bien sûr, il faut aussi éviter les tensions dans les muscles abdominaux (grands droits, obliques, etc.), mais en pratique, ce sera surtout au niveau des lombaires que vous allez avoir l’opportunité de lâcher, laisser la gravité participer à l’étirement de votre colonne. C’est un peu le mouvement complémentaire de « étirer le dos » du 2ème principe.
Par extension, on pourrait même dire que ce principe s’applique aux hanches et à la région du « kua » (l’ensemble des tissus reliant la jambe au bassin).
Quatrième principe : fēn xūshí – 分虛實
Distinguer le substantiel de l’insubstantiel
Maîtriser le style Yang de Taiji Quan, p. 58
Aie aie aie… dommage, voici le retour des mots mystérieux. C’est quoi le « substantiel » et « l’insubstantiel » ? Honnêtement, si vous n’êtes pas versé dans le jargon taoïste, c’est plutôt obscur. Si on se penche sur le sens original, nous avons:
- Shi 實 représente une ficelle de pièces de monnaies attachée sous un toit, ce qui signifie la richesse, la solidité, le réel, le tangible… le « substantiel ».
- Xu 虚 représente un tigre sur une colline. Il ne se passe « rien » mais le danger est bien présent. Dans l’usage courant, on parle de vide, faux … bref, l' »insubstantiel ».
Les deux vont souvent de pair. En médecine chinoise, xushi, c’est le manque et l’excès… mais en tai chi, qu’est ce que cela peut bien vouloir dire ?
Pour ma part, je préfère dire distinguer le plein et le vide. Déjà, c’est plus simple à dire, mais cela correspond aussi plus généralement à ma façon d’expliquer les postures. En tai chi, vous alternez le poids du corps d’une jambe à l’autre : une jambe est « pleine », l’autre est « vide » (cette notion dépasse le cadre strict de la répartition physique du poids du corps). A un niveau plus complexe, il s’agit aussi de distinguer, prendre conscience, ce qui se passe à l’intérieur du corps. Une image simple, c’est comme si vous gonfliez un ballon : c’est plein et vide à la fois. Bien souvent, l’habilité martiale en tai chi se développe à partir du moment où vous pouvez basculer du plein au vide au niveau du point de contact avec l’adversaire sans compromettre cet équilibre à l’intérieur de vous.
Cinquième principe : chén jiān zhuì zhǒu – 沈肩墜肘
Abaisser les épaules et laisser tomber les coudes
Maîtriser le style Yang de Taiji Quan, p. 58
A nouveau penchons nous un instant sur le sens initial. Tout d’abord, pour ceux qui ne parlent pas chinois, jian 肩 c’est l’épaule, zhou 肘, c’est le coude.
Mais on ne fait pas la même chose avec l’un et l’autre. Pour l’épaule, c’est chen 沉 : enfoncer, abaisser… pour le coude, c’est zhui 坠 laisser tomber, suspendre…
L’épaule est une articulation clé en tai chi. Mais en réalité, on se concentre souvent « juste » sur l’épaule, alors que c’est l’ensemble du couple épaule/omoplate qu’il est vraiment utile, en pratique, de prendre en considération. Abaisser les épaules, c’est bien entendu les relâcher, mais cela seul ne suffit pas à établir une connexion forte entre vos bras et votre tronc. Imaginez un instant quelqu’un qui vient « tirer » sous vos aisselles. Prenez le temps de percevoir les tissus latéraux du torse et l’omoplate qui descend. Sans mouvement de l’omoplate, aucun espoir de descendre l’épaule autant que nécessaire. Dommage que tout le monde ne parle que de « l’épaule » alors qu’en réalité, c’est l’omoplate qui fait le gros du boulot 😉
Et les coudes alors? On les « laisse tomber » ? Et bien pas vraiment. Je dirais plutôt « garder les coudes bas » plutôt que « laisser tomber les coudes ». Une autre approche serait alors plutôt de parler de « coudes lourds ». Imaginez des poids attachés à vos coudes: cela ne signifie pas nécessairement qu’il faut les abaisser le plus possible, mais qu’il y a une forme d’intention vers le bas. Cette intention permet notamment d’abaisser l’épaule qui est très souvent impactée par la position relative du coude.
Pour ma part, j’aime aussi plus librement la traduction « suspendre » pour obtenir comme principe : descendre les épaules et suspendre les coudes. Comme pour la tête, j’aime bien l’idée de « suspendre ». Il y a une forme d’action involontaire, légère, qui vient naturellement, sans effort, lutter contre la gravité. Je pratique souvent avec cette image de ballon qui flotte et « porte » mes coudes en zhan zhuang. C’est beaucoup plus porteur (héhé), à mon sens, que « laisser tomber » les coudes. Il faut néanmoins garder à l’esprit la mise en garde contre des coudes trop haut qui ouvre des opportunités d’attaque au niveau des côtes ou de clés de bras… bien entendu, si on conserve la dimension martiale, c’est important de protéger son tronc et les coudes participent activement à cela.
Les 5 derniers principes de Yang Cheng Fu
Et oui c’est déjà fini pour aujourd’hui. La suite au prochain numéro!
3 réponses sur « Les 10 principes de Yang Cheng Fu – Partie 2 »
« Laisser tomber les coudes » :
Il y a un exemple précis qui m’a été souvent montré :
A la fin de tous les « simple fouet », quand le « crochet » a été formé, que le bras droit est en place, celui ci ne doit pas être « raide », horizontal mais légèrement plié.
C’est la qu’on peut sentir le coude relâché (image d’un poids sous le coude qui le détend vers le bas). Ca change tout.
Il y a bien d’autres moments, celui-ci, très simple, m’est vivant depuis longtemps.
Toujours le plus de décontraction possible…
C’est intéressant comme exemple ! Ce n’est pas toujours facile de faire la distinction entre un bras « droit » et un bras « raide ». C’est sûr qu’à aucun moment on ne « bloque » l’articulation du coude, qui doit rester souple. Après, il y a de nombreuses variantes de simple fouet et on peut aller chercher différentes intentions dans le bras selon ce que l’on cherche à faire… pour ma part je vise plus l’extension, donc mon bras reste relativement droit (mais pas raide 😉 … enfin j’espère!).
Cela me fait penser à un article que je veux écrire depuis quelque temps déjà, merci pour ce commentaire qu’à motivé à écrire cela 🙂
https://coursdetaichi.com/50-nuances-de-simple-fouet/