Attaquons nous aujourd’hui à la deuxième moitié des principes de Yang Cheng Fu! Si vous avez raté les épisodes précédents, ça se passe ici et là.
Sixième principe : Yòngyì bùyòng lì – 用意不用力
Utiliser la conscience et non pas la force physique
Maîtriser le style Yang de Taiji Quan, p. 58
Nous commençons fort, nous voilà en plein dans le mystère. Quand on lit ceci, cela donne l’impression que par la force de la pensée, il est possible de vaincre son adversaire! Impressionant…
Vous avez deviné mon ton ironique? Et oui, je n’aime pas du tout cette traduction. Parfois, on utilise les mots chinois « utiliser le Yi et pas le Li ». C’est mieux (si on sait ce que ça veut dire!)… mais il y a comme une « opposition » entre les deux, qui n’existe en réalité que dans les termes. Si on prend les mots chinois…
- Yi 意 : l’intention
- Li 力 : force, effort
Mais surtout ce qui m’intéresse, c’est le bu 不 (sans, ne pas) … et si on utilise plutôt « sans » plutôt que « ne pas », on obtient un résultat bien plus intéressant…
Se mouvoir avec intention et sans efforts
Est-ce que ce n’est pas plus clair? L’idée de l’intention qui guide les mouvements est omniprésente en tai chi. Cette intention mobilise la force interne automatiquement. Le mouvement est léger et connecté, sans efforts. J’ai rajouté « se mouvoir » au principe, car c’est bien ça l’idée : la conscience guide le mouvement. Il ne s’agit pas simplement d’utiliser la conscience « dans l’absolu ».
Septième principe : Shàngxià xiāng suí – 上下相隨
Le haut et le bas se suivent mutuellement
Maîtriser le style Yang de Taiji Quan, p. 59
Une bonne traduction ! Shang et xia, c’est le haut et le bas. xiang, c’est mutuel, réciproque, ensemble. Et sui, c’est suivre, comme dans les classiques où l’on dit qu’il faut coller, adhérer, connecter et suivre.
Ce principe est une autre façon de formuler le principe « si une partie du corps bouge, tout bouge ». C’est l’idée que notre corps n’est pas composé de fragments isolés, mais fonctionne comme un tout: une action au niveau des jambes a un impact au niveau des bras…. c’est toujours plus ou moins vrai, mais ça l’est particulièrement lorsque l’on arrive à maintenir la connexion (force) interne.
Huitième principe : Nèiwài xiànghé – 內外相合
L’interne et l’externe sont unis
Maîtriser le style Yang de Taiji Quan, p. 60
Une bonne traduction, si ce n’est l’utilisation du mot « uni » plutôt que « mutuel ». Nei et wei, c’est interne et externe. Et xiang, c’est mutuel, le même que dans le principe précédent. Du coup je préfère dire : L’interne et l’externe s’harmonisent mutuellement pour rendre honneur à « he ».
合 he peut signifier pas mal de choses. Mais c’est le même que dans 六合 liu he, les six harmonies. Du coup il me semble plus cohérent d’avoir « s’harmonise mutuellement » plutôt que « sont unis ».
Au niveau du sens de ce principe… c’est généralement compris comme étant l’harmonie de l’esprit (shen) et de l’essence (jing)… mais honnêtement, pourquoi alors ne pas dire « L’esprit et l’essence s’harmonisent mutuellement » ? Personnellement, je préfère penser à l’interaction entre la forme extérieure et le mouvement interne et comment l’un est le reflet de l’autre. Lorsque nous faisons la forme, il ne s’agit pas « juste » d’exécuter une chorégraphie. Et en même temps, ces mouvements codifiés suivent des principes précis (sinon, on pourrait juste faire n’importe quoi et stimuler notre énergie interne) qui viennent directement influencer notre dynamique interne : c’est donc réellement un enrichissement mutuel.
Il en reste deux!
Et oui… est-ce que je garde le meilleur pour la fin ? Surprise!