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Tai Chi

La double lourdeur

Il y a beaucoup de confusion autour du concept de « double lourdeur » dont on entend parler dans les classiques du tai chi. Une source de confusion est le fait que ce terme a une signification qui peut varier selon le contexte, ce qui ne le rend pas simple à définir. Voyons de quoi il en retourne !

En chinois dans le texte

Quand on parle de « double lourdeur » ou « double poids » on fait souvent référence à ce terme chinois: 雙重則滯 (shuang chong ze zhi)

  • Shuang : deux, double
  • chong : lourd, poids, pression
  • ze : alors
  • zhi : stagnant/entraver/être retenu

Tout le problème vient du terme « chong » qui veut dire à la fois « lourd » et « poids » ou pression (souvent, dans les traductions chez Brennan). J’ai même vu certains faire référence à un sens de répétition ou couche… mais je ne parle pas chinois, alors je ne me prononce pas là-dessus.

Que nous disent les classiques ?

立如枰凖。活似車輪。偏沈則隨。雙重則滯。每見數年純功。不能運化者。率皆自為人制。雙重之病未悟耳。欲避此病。須知陰陽。粘即是走。走即是粘。陽不離陰。陰不離陽。陰陽相濟。

Se tenir comme une balance, bouger comme une roue. Si vous laissez tomber un côté, vous pouvez bouger, mais si vous avez une pression égale sur les deux côtés, vous serez bloqué. Nous voyons souvent quelqu’un qui a pratiqué durement pendant de nombreuses années et qui pourtant est incapable d’effectuer la moindre neutralisation (化 hua) et est généralement sous le contrôle de l’adversaire. Le problème ici est que cette erreur de double pression n’a pas encore été comprise.

Si vous voulez éviter cette erreur, vous devez comprendre le passif et l’actif. Dans le fait de coller, il y a céder et dans le fait de céder, il y a coller. L’actif ne s’écarte pas du passif et le passif ne s’écarte pas de l’actif, car le passif et l’actif échangent leurs rôles.

Les classiques du tai chi

Une notion intéressante ici est l’importance d’un partenaire contre lequel on ne peut pas appliquer de « neutralisation » à cause de cette erreur.

Une approche dans la forme

Bien souvent, quand on parle de « double lourdeur » on fait référence à avoir le poids réparti 50/50. En effet, en tai chi, une jambe est « yin », l’autre est « yang » (on fait du tai chi après tout :-D). Mais ce serait vraiment simple si cela se résumait à cela. En effet, il est tout à fait possible d’avoir son poids au milieu, mais son intention clairement focalisée sur une jambe, la rendant plus yang par rapport à l’autre.

Et puis, donc, la solution, c’est de simplement bien transférer son poids du corps ? Ah non … ce serait trop simple.

Une question d’interaction

En réalité, j’aime bien la traduction de Brennan car elle parle de « pression » : la double lourdeur, c’est quand on se retrouve « coincé » entre deux pressions. Cela revient à la phrase chinoise initiale : 2 x pression => coincé.

C’est aussi plus proche de ce qu’on peut lire dans les classiques, qui mentionnent clairement l’inaptitude à neutraliser correctement l’adversaire. La compréhension de la « double pression » se retrouve donc finalement dans l’interaction avec le partenaire et la manière de réagir à la force.

Pour faire un petit détour par l’escalade, c’est globalement aussi le fait d’avoir deux points de contact du même côté, vous rendant instable. La vidéo ci-dessous est très parlante 🙂

(Climbing Analysis) Stop the Swing - 3 Ways to Negate a Barn Door(Climbing Analysis) Stop the Swing – 3 Ways to Negate a Barn Door

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