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Tai Chi

Le rôle de l’intention

Saviez-vous que l’on estime que l’homme ordinaire a une attention de 3 secondes? Percevoir finement ce qui se passe en nous au fil de notre pratique requiert donc un entraînement. Cette attention non dirigée est la clé du non agir qui est au coeur du travail de l’intention en tai chi.

Attention et lâcher-prise

Notre attention est généralement tournée vers le phénomène extérieurs. On parle d’ailleurs de nos « 5 sens » mais en réalité, nous en avons plus que ça (je ne parle pas du 6ème sens, mais bien du sens proprioceptif ou kinéstésique). Le travail de l’attention consiste donc tout d’abord à se rendre disponible à ce qui se passe à l’intérieur de nous.

On pourrait imaginer que l’attention au mouvement peut se révéler assez « lourde », comme un sorte d’analyse, de contrôle. Mais en réalité, l’attention peut également être non dirigée, ouverte aux possibles.

De l’attention vers l’intention

Dans l’intention, il y a une forme de volontarisme. Mais de la même manière que l’attention n’est pas simplement « passive », l’intention n’est pas simplement « active » : il faut éviter le piège de la représentation mentale (par exemple, je ne suis pas un grand fan des pratiquants qui visualisent à outrance le « chi » qui circule) ou du contrôle conscient.

L’intention en tai chi consiste principalement à poser son attention pour un objectif donné : trouver son ancrage, déplacer un bras ou une jambe, calmer sa respiration… oui, il y a bien une direction qui est donnée par l’intention, mais le reste des processus s’observent plus qu’ils ne se contrôlent.

Intentions différentes, résultats différents

Il est particulièrement frappent de constater qu’en fonction de son intention, l’organisation corporelle et neuronale peut différer fortement.

Les travaux de Strick et Preston ont mis en évidence que pour un geste simple tel que celui de l’extension du deuxième doigt, on pouvait utiliser au moins deux représentations selon que l’on décide d’utiliser ce mouvement pour indiquer quelque chose ou pour reconnaître un surface de contact. Une représentation pour sentir et une autre pour montrer : si le mouvement est apparemment le même, l’intention, elle, est totalement différente et cette intention entraîne une mise en jeu elle aussi totalement différente des ensembles musculaires.

Christian Courraud, attention et performance, p. 97

On comprend le rôle majeur que peut avoir l’intention et pourquoi un art comme le Yi (intention) Quan met ce concept au coeur de sa pratique.

Une porte vers notre inconscient

Dans notre posture, nos réactions et nos réflexes sont essentiellement inconscients, automatiques. Tant mieux d’ailleurs, c’est le rôle de notre corps que de gérer tout cela. Tout mouvement se traduit par une forme de tonicité posturale, un « pré-mouvement » en quelque sorte.

Généralement, ce pré-mouvement va même anticiper la prise de conscience de notre décision de bouger. Cela signifie donc qu’avant-même que l’on décide de lever les bras, le corps a déjà mis en place les tonus musculaires adéquats. C’est un peu comme s’il y avait un « vouloir neuronal » et une volonté conscience. Grâce à l’entraînement de l’intention, il est possible de mieux saisir ces intentions de mouvements, ces tonus posturaux, dès leur émergence. Bien souvent, c’est pour cela qu’un pratiquant de tai chi expérimenté a l’air d’être « si rapide » en poussée des mains : sa perception de son organisation interne est généralement bien supérieure à la moyenne et il peut également percevoir chez son adversaire, parfois bien avant qu’il en ait conscience, les mouvements.

Pour faire une métaphore simple, c’est comme percevoir le sens du vent et pouvoir simplement orienter ses voiles pour aller dans le bon sens à chaque fois. On parle souvent en tai chi de qualité « d’écoute » : pour moi, cette qualité est liée à notre aptitude à l’attention dirigée.

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