La photographie est un art merveilleux, une technologie formidable, mais il y a des moments ou elle peut faire plus de tort que de bien. C’est notamment le cas des photos de tai chi.
La fameuse photo du parer du bras gauche
Sur ces 3 photos, on pourrait bien avoir l’impression que Chen Manching, à droite, se plante. Qu’est-ce qu’il a à regarder tout droit alors que les autres regardent à droite… et pourtant, dans son livre, Yang Chengfu Shi Taijiquan, Yang Zhenji cite plusieurs personnes qui ont appris de son père, en notant que dans leurs formes, « tous font le parer du bras gauche avec les yeux regardant dans la direction de la main gauche« .
Ce qui est plutôt logique, c’est quand même mieux de regarder son adversaire… alors du coup on peut juste se dire que le problème est une question de moment où est prise la photo. Ou de quand on considère que le mouvement se « finit ». Ici sur la photo, Chen Weiming (pour lequel il existe d’ailleurs tout un jeu de photos disponible sur le site de Brennan Translation) et Yang Cheng Fu ont déjà amorcé la transition vers la droite… mais cela peut vraiment donner une mauvaise impression pour quelqu’un qui ne connait pas la forme.
Du coup c’est Chen Manching qui a la « bonne » photo ? mhhh.. pas vraiment. Dans son livre sur les applications du style Yang, Yang Cheng Fu stipule clairement que la jambe arrière est tendue, alors qu’ici visiblement Chen Manching a la jambe arrière pliée…
Le problème de la « norme »
Au delà de ces petits détails, il y a la question plus générale de la norme. La forme du tai chi chuan est conçue pour être pratique à différentes amplitudes (petite, moyenne, large). Un débutant ne pratique pas comme une personne plus experimentée.
Vouloir à tout prix être « comme » sur la photo n’a pas beaucoup de sens : ce qui importe le plus, c’est comprendre ce qu’on fait, comment le corps bouge, en accord avec les principes du tai chi. Plus je passe mon temps à comparer les formes de tai chi, plus je me rends compte que bien souvent, l’outil (la forme) importe moins que l’usage. Prenons l’exemple d’une épée. C’est certain que sa qualité va avoir une importance, mais un maître d’escrime peut certainement mettre au tapis avec un bout de bois n’importe quel débutant, même s’il dispose d’une épée d’excellente facture.
Bien sûr, les photos et les petits dessins peuvent servir de référence, de points de comparaison. Mais il s’agit plutôt de s’en inspirer (quitte à faire pareil) que de s’y conformer.
Une réponse sur « Le problème avec les photos de tai chi »
Très belle analyse.